L’imaginaire arabo-musulmande Malek Chebel aux éditions Sedia
Reporters ; 11 mars 2014
L’ouvrage, très conséquent de Malek Chebel, intitulé L’imaginaire arabo-musulman, réédité aux éditions Sedia, est toujours d’actualité. Edité la première fois en France en 1993 (Presses universitaires de France), l’ouvrage traite, sur près de 420 pages, des visions, de l’imaginaire et des conceptions communes ou au contraire antagonistes qui -au-delà de l’impact de la diffusion de l’islam dans les cultures des peuples convertis ou de la propre mutation des « Arabes » en tant que premiers dépositaires de l’islam au contact de ces cultures souvent extrêmement éloignées les unes des autres – ont créé le fondement culturel et comportemental, que la vision idéologique, puis sa manifestation politique, défi nit toujours, malgré les tendances à l’universalité que souligne l’auteur, comme la «communauté», «l’espace» ou le «monde» musulman. Auteur parfois critiqué pour ses prises de position et ayant publié un grand nombre d’ouvrages où il a exposé sa vision de l’islam, L’imaginaire arabo-musulman n’est cependant pas à proprement parler un livre sur la religion, mais au contraire, souligne M. Chebel dans son avant-propos, « un livre d’anthropologie appliquée». En effet, basé sur une riche bibliographie et construit en suivant une méthode que l’on pourrait qualifier d’académique, bien que l’ouvrage soit écrit dans un français volontairement accessible au plus grand nombre, L’imaginaire arabo-musulman est partagé en cinq chapitres exposant la vision de l’auteur sur l’imaginaire social, politique, mais aussi religieux, métaphasique, esthétique et amoureux de la civilisation, ou du moins du monde issu de l’expansion de l’islam. On retiendra, par exemple, parmi les sujets abordés, la question de la perception de l’espace et du temps dans la culture islamique, que Malek Chebel lie au concept du «destin», en soulignant toutefois, en réponse au fatalisme qu’on y associe souvent, que « ce que l’on fait passe pour ‘‘fatalité’’ chez les Arabe n’est à tout prendre que cette particularité de leur système de pensée qui leur permet de se mesurer efficacement dans la durée, de s’adapter à ses capacités, d’accepter les grands cycles qui scandent leur univers matériel et social ». Autre aspect abordé de cet imaginaire arabo-musulman, l’héritage majeur légué par les penseurs et scientifiques arabes et qui constitue aujourd’hui encore un ancrage identitaire commun. Encouragé, souligne l’auteur, par l’exhortation religieuse de «quérir la connaissance», il cite notamment Mohammed Al-Ghazâli, Ibn Khaldoun, mais s’attarde également sur les alchimistes arabes qui mirent en place, même si ce ne fut pas leur but premier, les jalons de l’expérimentation et de la pensée scientifique moderne. Revenant également, et comme souvent dans ses ouvrages, sur l’imaginaire esthétique et amoureux chez les Arabo-musulmans, le dernier chapitre aborde notamment des questions, telles que la représentation chez les artistes musulmans, ou d’autres faussement considérées comme taboues, à savoir la question de la vision de la nudité dans l’islam. Texte instructif, mais néanmoins pas entièrement convaincant, il est écrit par un universitaire qui, en 1993 déjà, était titulaire de doctorats d’anthropologie, d’ethnologie, de sciences des religions, ainsi que d’un doctorat de sciences politiques de l’Institut d’études politiques de Paris. Mais l’ouvrage L’imaginaire arabo-musulman peut néanmoins susciter quelques critiques, notamment de par la manière avec laquelle son auteur manie les concepts religieux, ou plus simplement dans les tournures de certaines de ses phrases qui peuvent dérouter un lecteur de confession ou de culture musulmane. C’est que l’ouvrage, qui apparaît en effet comme davantage destiné à un public européen, ne doit pas non plus être sorti de son contexte. Publié en France au début des années 1990 dans une ambiance de montée des communautarismes, il se présenta avant tout comme une tentative d’explication de la civilisation arabo-musulmane et, par extension, des peuples qui ont adopté l’islam au travers de l’étude des imaginaires et des visions collectives. Disponible depuis janvier dernier, le livre est actuellement en vente au prix de 1 000 DA dans la plupart des libraires.