Reporters, 10 mars 2014

Paru en France en 2013 chez Riveneuve et réédité en janvier dernier en Algérie par les éditions Sedia, l’ouvrage historique intitulé Vérités et légendes d’une « OAS internationale », écrit sous la direction d’Olivier Dard, professeur d’histoire contemporaine et directeur du Centre de recherche universitaire lorrain d’histoire (CRULH), ainsi que de Victor Pereira, maître de conférences en histoire contemporaine, apparaît comme une tentative d’exposer la réalité, ou du moins une lecture logique et documentée sur la subsistance idéologique, ainsi que de la supposée récupération des réseaux de l’Organisation armée secrète (OAS) après l’indépendance de l’Algérie. Ouvrage très riche en informations, à tel point qu’il nécessite d’accompagner sa lecture de recherches, tant les références à des événements, des personnages historiques ou des acteurs de l’ombre souvent peu connus se croisent. Le livre de 220 pages recueille, par ailleurs, les contributions d’experts e d’historiens issus de plusieurs pays, à l’image de Pauline Picco, Riccardo Marchi, Victor Pereira ou Mario Ranalletti, qui reviennent notamment sur les anciens de l’OAS qui ont trouvé refuge en Argentine, et expose tout au long des pages, en se basant uniquement sur des documents vérifiables et pour certains inédits, les liens de circonstances, la traque que leur mèneront les pays européens, citant notamment le cas d’Antoine Argoud, mais aussi les liens et l’évolution des affinités idéologiques qu’a conservés longtemps après 1962 l’OAS avec d’autres organisations classées d’extrême droite, à l’image des mouvements belges, créés dans le contexte assez similaire de la décolonisation du Congo. Et ses angles d’analyse, tour à tour décortiqués, aboutissent à la conclusion que beaucoup pourront considérer à contre-courant de la vision habituellement véhiculée, à savoir que l’OAS, cette organisation qui avait pour devise « l’OAS frappe où elle veut, quand elle veut » et qui a par les moyens les plus radicaux tenté d’empêcher le lent, mais définitif retournement de la société française en faveur de l’indépendance, puis sa traduction politique sous la présidence du général De Gaulle, n’a pu, ou n’a pas su perdurer de manière effective, en renouvelant son public et ses dirigeants. Et c’est cette question de la continuité entre l’OAS partisane de la colonisation de l’Algérie, et ce qui a par la suite été appelé « l’OAS européenne » ou « l’OAS internationale » qui constitue l’axe central de l’ouvrage. En effet, prenant pour point de départ, explique M. Dard dans son introduction, le fait que « si l’OAS a officiellement un début qui renvoie à sa fondation en février 1961 à Madrid, sa fi n n’a jamais officiellement était actée », il apparaît en effet au travers de l’ouvrage Vérités et légendes d’une « OAS internationale » que la supposée contribution de manière structurée de membres de l’OAS après juillet 1962 à des opérations clandestines en Europe et dans le monde serait une exagération impossible à rattacher avec l’organisation « historique ». Incapable de mener à bien le « projet » d’assassinat du général De Gaulle, vu par les anciens de l’OAS comme une « vengeance », ou de se muer en une organisation à l’action purement anticommuniste, sa force de frappe est restée marginale et n’a malgré les discours jamais pu égaler l’intensité des crimes commis en Algérie. Et pourtant, le mythe de l’OAS a d’une certaine manière perduré au travers du parcours de certains de ses membres, accusés aujourd’hui d’avoir pris part à de nombreuses opérations clandestines, notamment ceux réfugiés dans les pays latino-américains, d’avoir collaboré à « l’opération Condor ». Ou encore, entre autres grâce aux révélations faites en Italie, d’avoir été récupérés dans l’insaisissable réseau « stay-behind » imaginé dans le contexte de la guerre froide, et mis en place par l’Otan dans les pays d’Europe de l’Ouest dans l’éventualité de leur basculement dans le camp socialiste. Ouvrage fort intéressant, disponible dans la plupart des librairies au prix de 900 DA, Vérités et légendes d’une « OAS internationale» apporte une explication nouvelle sur l’ampleur de la subsistance idéologique de l’OAS en Europe et dans le monde, mais ses auteurs expliquent également que la vision que conserve aujourd’hui encore le public, mais aussi les auteurs et historiens sur les capacités et les ramifications de l’OAS après la guerre d’Algérie s’explique par l’intoxication des médias, par la propagande et la littérature diffusée par les milieux proches de l’OAS, mais aussi par la validation implicite de cette vision tronquée suite à son exploitation à des fi ns purement politiques et tactiques par des mouvements de gauche, d’extrême gauche, mais aussi de gouvernements, notamment le pouvoir gaulliste qui a agité un prétendu danger venant d’extrême droite et qu’incarnerait cette « OAS internationale ».